L’histoire de Rimogne

Si Rimogne n’apparaît qu’en 1158, le village existe depuis l’Antiquité, même si à cette époque il n’a pas encore la forme que nous lui connaissons aujourd’hui. Limitrophe du Châtelet-sur-Sormonne avec lequel il semble parfois confondre une partie de son terroir, les premiers villageois se regroupent autour d’une église primitive située sur l’actuel Gros Caillou. Possédée à l’origine par la famille Montcornet, la seigneurie de Rimogne dont une large partie appartient aux moines de Signy, de Foigny et de Bonnefontaine jusqu’au XVe siècle, passe au gré des héritages aux mains de différentes familles dont celles de Barbançon et d’Eppe pour appartenir à partir du XVIe siècle pour la plus grande partie à celle de Hénin-Liétard puis à partir du XVIIe siècle à celle des De Robert dont le blason deviendra celui du village.

A de nombreuses reprises, le village connaît en ensemble de catastrophes qui menacent de le faire disparaître : les épidémies comme la Grande Peste de 1348 et celle de 1641 qui décime toute la population d’Harcy, les guerres de Cent ans et de Trente Ans dont la bataille de Rocroi de 1643 apporte pillages et dévastations, les catastrophes climatiques, etc. Toutes ces calamités forgent une communauté qui s’entraide pour subsister. A mesure que l’exploitation ardoisière progresse, la population essentiellement composée d’écaillons s’accroît autour de l’église gothique agrandie en 1697. La vie quotidienne est difficile, la plupart des villageois sont endettés comme la communauté qui avait dû se résoudre à vendre les Pâquis, les pâturages communaux, à François de Hénin-Liétard.

La Révolution française fera peu de vagues à Rimogne. Si certains, minoritaires, ont la dent dure contre les seigneurs, ces derniers se plient de bonne grâce aux mesures révolutionnaires et participent à la défense de la commune. Jean Baptiste Louis de Robert est reconnu « bon patriote ». On propose en outre de changer Saint Brice, le nom du patron de la commune, en Marat et l’on dépouille l’église de ses objets de valeur – y compris la cloche.

La fin du régime seigneurial n’éloigne pas les seigneurs du village. Les grands bourgeois propriétaires des ardoisières se regroupent autour de la famille Rousseau établie à Rimogne depuis 1779. Ils ont la mainmise sur le village dont ils achètent les tréfonds au fur et à mesure de l’endettement de la commune qui se dépouille petit à petit de ses biens comme pour obtenir un terrain en 1839 pour construire l’école primaire. En 1845, les travaux de la nouvelle église commencent. L’ancienne, trop exiguë et trop délabrée, est en partie rasée. Inaugurée deux ans plus tard, l’église devient le nouveau centre du village, à proximité de la route nationale au long de laquelle les patrons ont fait bâtir leurs maisons. La gare ouvre en 1869.

Rimogne subit trois guerres. Celle de 1870 voit les Prussiens envahir et bombarder le village. En 1914-1918, les troupes allemandes occupent le village et la population qui n’a pas pu partir est brimée par des vexations quotidiennes. Les trois cloches de l’église sont enlevées comme celles des églises alentours. Lorsque l’armistice est signé, le village est silencieux. Le monument aux morts est inauguré en 1922 près de l’église, la commune rend un hommage particulier au docteur Desplous qui s’est dévoué pour la commune pendant le conflit. On en profite pour rendre hommage aux morts de 1870 en posant une gerbe au monument aux morts de 1870 inauguré dans le cimetière en 1904.

Alors que le village semble se remettre et que le travail aux ardoisières a repris avec l’aide des ouvriers étrangers, la Seconde Guerre mondiale éclate. Le village dirigé depuis le château de l’Enclos où s’est établi le commandant allemand est bombardé en mai 1940. Libéré le 2 septembre 1944, la population honore une nouvelle fois ses morts. S’ensuit un lent déclin, les fosses ardoisières ne parviennent pas à retrouver leur niveau d’avant-guerre et la dernière tentative de modernisation avec le chevalement du Puits Saint Quentin en 1961 n’est qu’un dernier sursaut avant la fermeture des ardoisières en 1971.

Le collège de Rimogne est ouvert près de l’église dans les années 1960 avant de s’installer dans ses bâtiments actuels en 1972. En 1992, on construit un nouveau bâtiment pour l’école maternelle installée depuis 1900 en face de l’église. En 1997, la mairie déménage alors dans les bâtiments laissés à disposition. La Poste créé en 1839 s’installe dans ses locaux actuels en 1994.

L’histoire de l’exploitation ardoisière à Rimogne

Le renouveau du monachisme en France fait fleurir les abbayes et s’accroître les besoins en matériau de couverture pour les nouveaux bâtiments religieux. En 1158, l’abbaye de Signy se fait octroyer par Pierre de Montcornet et ses frères le droit de prendre toutes les ardoises nécessaires sur toute l’étendue de Rimogne. L’abbaye de Foigny et celle de Bonnefontaine se voient accorder les mêmes droits au début du XIIIe siècle. Les activités des moines se concentrent entre le Châtelet et Rimogne, non loin du lieudit Pierka et les fosses à ciel ouvert empiètent souvent les unes sur les autres, entraînant de nombreux conflits. Les trois domaines religieux grandissent au fur et à mesure des dons de terres faits par les seigneurs ou les particuliers et deviennent de véritables centres économiques basés sur l’élevage et le commerce ardoisier. Les seigneurs cherchent d’ailleurs souvent à revenir sur leurs largesses mais les moines sont dans leur bon droit et les décisions de justice leur sont toujours favorables.

Pour que l’exploitation des fosses soit rentable, il faut creuser de plus en plus profondément, ce que les moyens techniques de l’époque ne permettent pas. Les fosses vont vivoter et cela d’autant plus que la main d’œuvre se raréfie du fait de la Grande Peste et de la guerre de Cent Ans. Le pouvoir royal étant fortement endetté par les frais de guerre, il obtient que le clergé de France contribue à éponger ces dettes et les abbayes sont obligées de vendre tout ou partie de leurs domaines. Foigny vend tout son domaine en 1577, Signy se sépare de sa maison de Rimogne (le futur château de l’Enclos) la même année. Seule Bonnefontaine semble conserver son domaine.

Vont alors s’enchaîner des années où les seigneurs vont bailler à de multiples reprises leurs fosses. Car si les moines exploitaient dans le bas du village, les seigneurs possèdent les fosses à la Halle Voie, actuellement Saint Quentin, et les particuliers les louent et les exploitent. Ils se retrouvent toutefois très vite bloqués par l’absence de moyens financiers suffisants. Il faut attendre 1663 pour voir arriver le premier entrepreneur, Charles Dambraine, receveur au grenier à sel d’Aubenton. Mais c’est l’arrivée en 1702 de Jean Baptiste Collard qui marque le début de l’industrie moderne. Il fait entre autre percer le canal des Pâquis pour évacuer les eaux des fosses. A sa mort, la Grande Fosse passe aux mains de son neveu Antoine qui la cède à son fils Charles Jean Pierre. Peu soucieux de l’intégrité de la fosse, ce dernier fait abattre les piliers de soutènement pour faire toujours plus de profit. Il faut attendre la venue de Jean Louis Rousseau en 1779 pour que la Grande Fosse soit rétablie et pour que le travail reprenne. Elle devient un modèle pour les encyclopédistes Diderot et Dalembert.

La Révolution française voit les conflits naître entre les différents concessionnaires (Pilon, Raux, etc) mais les Rousseau en ressortent vainqueurs. Ils rachètent de nombreuses fosses et fondent la Compagnie des Ardoisières de Rimogne et de Saint Louis sur Meuse en 1831. D’autres compagnies vont naître comme celles de Truffy Pierka en 1836 ou celle de la Richolle en 1842 mais à long terme, la Compagnie finira par toutes les racheter. Le pouvoir de la Compagnie s’observe également au niveau municipal car de nombreux maires (Peridon, Moreau, Rousseau, Teissier, etc) sont actionnaires de la Compagnie.

Même si les ardoisières rayonnent internationalement – la qualité des ardoises étant primées à toutes les expositions universelles – Les conditions de travail et les conditions de vie des ouvriers restent difficiles. Les salaires sont bas et ne suffisent pas à vivre confortablement. Travaillant la plupart du temps dans l’obscurité, les accidents ne sont pas rares et les grèves éclatent dès 1825. En 1832, une fosse s’effondre piégeant 300 ouvriers qui parviennent à sortir par un conduit d’évacuation. En 1869, les ouvriers se révoltent et brisent 15000 ardoises. En 1888, 340 ardoisiers sur 390 font grève. Soutenus par Jean Baptiste Clément, ils réclament une hausse de salaire que la Compagnie ne leur accordera pas. Les meneurs ne sont pas rembauchés. Le conflit couve et éclate à nouveau en 1901 et dure trois mois. Impitoyable, la Compagnie règne sur le village

Lorsque la Première Guerre mondiale éclate, les fosses emploient 600 ouvriers. Les ardoisiers mobilisés, les productions ralentissent. Il faut attendre l’après-guerre et 1930 pour que les ardoisières retrouvent leur niveau maximal. La Seconde Guerre mondiale et l’arrivée d’autres matériaux de couverture vont sonner le glas des ardoisières. Si l’on inaugure un treuil à Saint Quentin en 1961, les ardoisières ferment définitivement en 1971.

(Texte : Loïc DELAFAITE)

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